Fiesta Mag' part à l’assaut des rues et vous amène découvrir l’univers de Moze ODC ! Artiste accompli et passionné de graff’, cette personnalité hors du commun est aujourd’hui très engagée auprès des jeunes générations de notre belle ville de Pau.
Bonjour Moze, présente toi à nos lecteurs.
Bonjour à tous, je suis Stéph’ né à Paris en 1968, où j’ai vécu dans le 18ème et je suis dans le graff’ depuis 1984 environ.
Comment as-tu découvert cette passion ?
C’était dans les années 80. A l’époque, il y avait cette émission, H.I.P H.O.P sur TF1 le dimanche. Ils montraient des tags, des dessins, il y avait du smurf (danse de rue) et ça me rendait fou ! Avec mes copains nous étions vraiment passionnés par ce show. J’ai d’ailleurs pu assister à l’émission une fois et c’était dingue !
A ce moment là, on faisait tous du roller. Un jour, j’étais au Trocadéro et je tombe sur un terrain vague, avec quatre mecs au fond, en train de peindre sur le mur. Un peu surpris, je m’approche avec mes rollers et puis je leur dis que je viens juste regarder, j’étais curieux. En fait il s’agissait de Bando, Mode 2, Lokiss et Saho qui sont tous des pointures du genre. J’ai trouvé ça incroyable ! En plus, au bahut ça commençait déjà à gribouiller un peu par ci, par là…
Puis, on est tombé sur le livre Subway Art et on est tous tombés amoureux, on l’a tous acheté ! On trouvait ça tellement fou tous ces métros tagués, toutes ces couleurs… Depuis cette passion ne m’a plus jamais quitté ! En 1986, j’ai créé un groupe, les ODC et nous sommes environ une trentaine sur Paris, Nice, la Corse, Philadelphie… J’ai fait une petite pause pour m’occuper de mes enfants et puis le naturel est revenu en force.
Est-ce que c’est ton métier aujourd’hui ?
Non, car on ne vit pas vraiment de ça. Aujourd’hui, on parle beaucoup d’artistes de street art comme Bansky, et l’on met tout dans le même panier, le collage, la mosaïque, les pochoirs… En fait le graffiti vient du mouvement Hip hop et il est issu du tag, c’est à dire, la signature du graffeur. Avant que les réseaux sociaux apparaissent, c’était le seul moyen de reconnaître les gens.
Dans ce mouvement, il y a des artistes de ma génération, qui sont restés des tagueurs et ne sont jamais passés au graff’. Pour ma part, j’ai commencé dans le métro avec un ami, et bien sûr, ce ne sont pas des commandes subventionnées. Mais c’est ça le graff’, s’approprier l’espace urbain et y apporter quelque chose. »
Tu as tout de même travaillé avec certaines collectivités et assos ?
Oui, car j’aime transmettre cette passion. A Mante La Jolie j’ai collaboré avec le graff’ parc. Pendant cinq ans nous avons eu ce super projet pour donner libre expression à tous. Parfois, on m’appelle Monsieur Rassembleur car mon but premier a toujours été de rassembler les gens. J’aime beaucoup organiser des Jam sessions où chacun peut graffer sans jugement et comme il l’entend.
Dans une ville, j’ai proposé au maire de graffer le vieux lavoir qui était très moche et que la ville devait repeindre car il était rempli de tags disgracieux. C’était génial, tout le monde était ravis de voir ce bout d’histoire revivre un peu !
En 2010 j’ai créé l’association Couleurs 2 Bombes. On achète des bombes et l’on invite les gens à peindre, des enfants, des adultes, des personnes âgées… J’organise des ateliers partout dans le Béarn. J’ai même partagé ma peinture avec des personnes de 104 ans ! Dans une maison de retraite, c’était génial de faire découvrir le graff’ à des personnes si différentes.
Avec l’asso, nous avons également fait installer des panneaux d’expression libre à Lons. Ça fait maintenant vingt cinq ans que je suis à Pau et j’ai encore beaucoup de projets en tête. Mais ce que je préfère, c’est bosser avec les gosses ! Quand ils viennent m’offrir leur dessin et avec mon tag, il n’y a pas de plus beau cadeau. Ça vaux tout l’argent du monde ! Souvent, je suis encore étonné par certains enfants. Du premier coup, ils ont des traits de dingue. Il y a vraiment des talents cachés partout. Dernièrement, j’ai participé au Family Day à Serres Castet, les parents étaient ravis. Plein d’enfants sont demandeurs, ils voient ça partout mais n’ont pas l’occasion de pratiquer, de faire ça par eux même.
Est-ce que tu as déjà peint chez des particuliers ?
Oui, cela m’est arrivé quelque fois, des chambres d’enfants par exemple. C’est toujours magique de voir leurs yeux s’illuminer lorsqu’ils découvrent la fresque ! Il m’est également arrivé de graffer un mur pour quelqu’un une fois. Au début son voisin voyait un peu cela d’un mauvais œil et puis lorsqu’il a découvert le résultat final, il était vraiment bluffé. C’est cool de voir que l’on peut changer le regard des gens à ce sujet.
Justement, souvent les gens ont une mauvaise image de graff’...
C’est vrai ! Mais c’est un moyen d’expression libre. Il permet de laisser des souvenirs partout. On peut faire ça avec respect. Je n’ai jamais tagué les affaires de quelqu’un, pas de voiture, pas de portail ni de maison… à moins qu’on me le demande bien sûr ! Mais je prends toujours mes bombes avec moi ! Parfois en vacances je peints même sur les nappes en papier !
Pour ma part, je ne tiens pas à rentrer dans ce monde du marché de l’art, je souhaite que cela reste une passion. Je souhaite avant tout garder mon authenticité. Ça ne veut pas non plus dire que je fais n’importe quoi. Je réalise des transfos, je ramène de la couleur. On ne me dit rien car je viens pour embellir, pour participer à l’esthétique de ma ville et je trouve ça important. À Orthez et à Bagnères-de-Bigorre j’ai recouvert des boutiques désaffectées par exemple. Mais c’est une lutte de tous les jours de faire avancer les choses. Heureusement ça bouge petit à petit. A Toulouse par exemple, une partie du périph’ a été ouverte pour que les artistes puissent la décorer. Il y a environ 50m de galerie à ciel ouvert.
Comment souhaiterais-tu que les choses évoluent ici ?
J’aimerais vraiment qu’il y ait plus de lieux à notre disposition. C’est pas facile de trouver des spots ici. Souvent tout est squatté ou détruit, on a peu d’espace pour graffer. Ça serait génial que les collectivités nous ouvrent les espaces abandonnés. Un peu comme ce qui a été fait à la gare. C’est tout de même plus joyeux que tout ce béton vide et morne. Et j’aimerais aussi avoir un petit local. Ça me permettrait de continuer à partager ma passion. Ça serait aussi un moyen de proposer plus d’ateliers.
Aujourd’hui, Moze nous propose une autre image du graff’, un art où chacun est libre de s'exprimer. Ce personnage authentique ne cesse de donner et de faire découvrir son univers. Son envie d’un monde meilleur, d’une société plus belle et d’une vie plus douce est un véritable message pour tous ceux qui croisent son chemin. Il ne reste qu’à espérer que Moze continuera d’enchanter les palois avec ses œuvres !
Fiesta Mag #24
Par Emma Arrieudarré